Jack arborait la tête des mauvais jours. Le genre d’expression qui traduisait littéralement le sentiment « qu’est-ce que je fou là ? » ou encore « qu’est-ce que je peux bien faire pour régler ça ? ». Il était pourtant là, à écouter c’une oreille les paroles d’un homme dont il n’accordait que très peu de crédit. Son attention était attirée ailleurs, bien ailleurs, vers la vitre au relief esthétique qui lui donnait une vue sur la salle de briefing. Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour ravoir sa jambe et partir en mission, protégé par le crâne chauve et reluisant du Général Hammond, tel un navire aventurier qui avait besoin d’un phare pour se retrouver.
Mais aujourd’hui il avait la chance d’être assis dans ce bureau qu’était le sien, accompagné par la présence attractive du Docteur Mackenzie… Jack ne le connaissait que trop bien. Lors de son passé en tant que Colonel dans ce projet, et notamment la période où il avait perdu son œil, il avait mainte fois eu affaire à lui et à ses tests psychiatriques déprimants. Et à cette époque là, le soutien d’Hammond ou même de Peterson avait été primordial. Un soutien dont il se rendait compte que bien plus tard, quand lui occupait le cuir de la chaise et qu’un de ces subordonné l’avait remplacé dans cette position de patient.
Car il était probable que Scorzi soit traité comme un « patient » dorénavant, et non comme un collègue, par le docteur maboule. Ce dernier était debout à côté du général. Il était stressant malgré son apparence et son âge, qui était presque le même que Jack. Mais il dégageait une atmosphère médicale froide et dramatique, typiquement le genre de chose qui l’irritait au plus haut point.
O’Neill sortit de sa torpeur quand Franz Scorzi se pointa à la porte. Il n’avait pas trainé, l’archéologue, et devait bien se douter de la raison de cette convocation malgré la question qu’il adressa en sa faveur, interrogation innocente mais protocolaire.

« Bonjour Franz. Fermez la porte et asseyez-vous. » Une fois chose faite, il ajouta de manière amicale: « Tout va bien ? Vous voulez un peu de café ou..? »

« Général, non loin de moi l’idée de me montrer impoli, j’aimerais qu’on entre directement dans le vif du sujet sans perdre de temps. J’ai d’autres patients à voir aujourd’hui. »

Patients ! Voilà ! Le mot avait été dit. Les hostilités avaient été lancées. Et O’Neill se demanda, à nouveau, ce qu’il foutait ici. Il regarda Scorzi d’un air décontracté afin de rendre moins nerveux l’archéologue, bien que celui-ci semblait garder son calme… pour le moment. Il reprit la parole d’un air plus sérieux, sans oublier pour autant que Mackenzie lui avait coupé la chique devant un de ses hommes. D’ailleurs, Jack réfléchissait déjà secrètement dans un coin de sa tête de quelle manière il pourrait se venger de l’irrespect du psychiatre.

« Eh bien, Franz. » Il l’appelait par son prénom, tout compte fait, car il le trouvait bien plus facile à prononcer que son nom de famille. « Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes là… Lors de votre dernière mission avec la tok’ra, qui s’est révélée être une catastrophe par ailleurs, vous avez il me semble, perdu un peu les pédales… Du moins c’est ce que je lis dans les rapports de vos collègues et supérieurs présents ce jour là, le Colonel Narah et le Sergent Bentley. C’est un point d’interrogation qu’il nous faut mettre au clair vous vous en doutez… Mais avant de vous livrer aux mains expérimentées du docteur Mackenzie, j’aimerais entendre votre version des faits. Dites nous tout ce que vous savez, tout ce que vous avez ressenti ce jour là, pourquoi avoir paniqué et avoir abandonné votre équipe… Il ne me semble pas que vous ayez mentionné ça dans votre rapport. »

D’ailleurs, en y repensant, Jack se demanda si l’archéologue avait remis un rapport de la mission. Et même si c’était le cas, il ne l’avait pas vu. Bref, il faisait un bien piètre Général, à moitié au courant de ce qu’il y avait sur son bureau et à peine renseigné sur le sujet. Il attendait alors que Franz parle, histoire de l’informer un peu plus, lui et le terrible docteur Mackenzie…

Je venais d'entrer et le Général avec cette tête qui indiquait qu'il se demandait se qu'il pouvait bien faire ici, dans son bureau, à cette heure... L'homme en face de lui semblait froid, distant, répugnant et il ne me donnait nullement envie de lui parler, et pourtant je savais qu'il fallait le faire... Que j'aurais du le faire depuis un moment déjà, mais j'étais tellement habitué au doc qui me suivait depuis que j'étais bambin... Et, même s'il était à la retraite maintenant je pouvais encore lui parler de mes problèmes et il essayait de m'aider dans mon travail de maitrise de soi...

Le général allait me parler de café mais l'autre lui coupa la parole en me traitant de patient, j'eus une petite montée de moutarde au nez en écoutant cela mais je ne fis rien, je restais calme et serein en attendant la suite des événements. Et quand le général se mit à me parler de mon problème durant la mission je réfléchis un instant pour comprendre de quoi il s'agissait, devais je lui expliquer tout ce qui avait un rapport avec mes mal de crâne ? Je ne sais, peut être... De toute façon j'étais dos au mur alors autant faire un exposé détaillé comme à mon habitude.

Mais avant cela je devais expliquer le coup du rapport, que j'avais fini la veille d'ailleurs mais que je gardais encore pour le relire. De toute façon il était maintenant inutile d'en faire part à la direction n'est ce pas ?

Mon général, pour commencer je dois dire que j'ai à peine eu le temps de finir mon rapport hier, je l'ai gardé dans mon bureau pour le relire et en faire une analyse poussée. Sinon je dois expliquer les événements survenue lors de cette mission, il faut avant tout qu je vous explique tout ce qui à un rapport avec ceci.

Je croisa les bras et ne cessait de garder du regard le doc qui semblait avoir beaucoup plus envie de me disséquer que de me parler et encore moins de m’écouter. Mais le général lui, c'était un autre morceau de jambon. Il semblait vraiment vouloir aider les membres de ses équipes, d'autant que l'on avait bosser ensemble avec les Tok'ra.

La première mission que j'ai réalisé dès mon arrivé au SGC s'est déroulé à bord du dédale et plus particulièrement à bord d'un vaisseau abandonné que nous avons découvert et que notre équipe devait explorer. Nous étions cinq, le Docteur Alicia Becker, Julia Becker, Simon Wolowitz, le Capitaine Shepard et moi même. Durant la mission j'ai eu des... Problèmes. Ce que je veux dire c'est qu'à un moment, je ne saurais vous expliquer pourquoi, j'ai eu des visions du passé du vaisseau et de ses occupants. De plus j'avais gagné une partie des souvenirs de son capitaine, ce qui me permit de me déplacer dans le vaisseau en reconnaissant chaque recoin... Je n'en ai pas fait part dans mes précédents rapport par oubli et manque de rigueur.

Je sais Monsieur, cela ne se reproduira plus.

Mais depuis cette mission j'ai des problèmes d'ordre médical, j'ai l'impression de ressentir beaucoup plus tout ce qui m'entoure et durant les missions cela m'a permit de comprendre beaucoup plus vite les écrits Goa'uld ou autre, sans parler que cela m'avait permit de travailler beaucoup plus vite, beaucoup plus longtemps, et avec beaucoup plus de lucidité. Mais tout cela avait des effets secondaires.

Non seulement j'ai été comme possédé durant la mission avec le colonel Narah, mais j'ai aussi plusieurs problèmes crâniens, je ne sais pas à quel points mais j'ai eu des crises d'effusion de sang et d'autres choses rigolotes de ce style. Dès les premiers symptômes j'ai passé un check up complet avec le Dr Eiden Andrews, mais rien ne fut trouvé.

Pendant un moment, quelques mois, je n’eus plus aucune crise de ce genre, mais ma présence dans la ville de Perséphone m'a fait rechuter, et depuis c'est le foutoir mon général, si vous me passez l'expression.

J'observais les deux hommes, j'avais tenté, avec ce qu'il me restait de cerveau, de faire une analyse logique et hiérarchique comme je le faisais tout le temps lors de mes recherches.

Le problème que j'ai eus c'est que lors de la mission, après avoir été en contact prolongé avec un communicateur Goa'Uld, j'ai été pris de convulsion sporadique, ma vision s'est obscurcie pour remplacer toutes couleurs présentes par un rouge vif et sanglant. Mes jambes et mon corps entier bougeaient tout seul et m'ont guider jusqu'à un système de téléportation d'origine inconnue.... Et finalement je me suis retrouvé en dehors de la forteresse souterraine, et c'est seulement là que j'ai repris le contrôle de ma pensée et de mes mouvements. Et à ce moment là je n'eus qu'une idée, aller chercher les Tok'ra qui avaient les seules armes capable de combattre les Reetous, espèce alien pas très commode qui souhaite notre mort.

Voila ce que je sais mon Général, rien de plus, rien de moins... Et honnêtement je serais idiot de dire que cela ne me fait pas peur.

Je croisais mes bras dans mon dos et restais devant les deux hommes, en attendant la suite des événements, j'avais mal à la tête et je peinais de plus en plus à le cacher... Pourquoi maintenant... Pourquoi fallait il que cela arrive aujourd'hui bordel.....

Jack n’était pas incollable sur l’autorité, et sa réputation le voulait proche de ses hommes, solidaire et regroupé derrière eux. Il ne connaissait pas trop Scorzi, juste le temps d’une mission, mais il avait la forte impression que cet homme était quelqu’un de bien, agréable et compétent, mais dont le potentiel était malheureusement gâché par des problèmes psychologiques. Du moins, c’est ce qu’il pensait avant que l’archéologue n’envisage le fait que tout ça pouvait être d’origine alien. Ce n’était pas improbable, O’Neill en avait vu de toute les couleurs depuis qu’il travaillait ici et plus rien ne l’étonnait. Mais pourquoi avoir attendu si longtemps avant de le signaler ? Jack crut bon de le lui rappeler.

« Vous auriez du nous en faire part bien avant. Votre comportement aurait pu vous coûter cher, à vous et au reste de l’équipe, d’autant plus en présence d’ennemis extrêmement dangereux. » Jack avait eut vent de ces Reetous, et la description que lui avait faite le Colonel Narah de ces créatures lui avait fait froid dans le dos.

Scorzi raconta la manière dont il s’était échappé, et Jack voulut lui dire de ne pas faire de conclusions trop hâtives mais il ne dérangea pas l’archéologue, le laissant s’exprimer jusqu’au bout. Il était clair que quelque chose n’allait pas et il ne repartirait pas en mission avant d’avoir trouvé ce que c’était. D’un regard de bais, il vit le regard perplexe du docteur Mackenzie, qui observait Franz comme un chirurgien le ferait face à un corps ouvert au scalpel. Nul doute qu’il allait avoir du boulot, ce vieux fou.

« Bon écoutez, Franz. Je suis dans l’obligation de vous mettre aux arrêts jusqu’à ce qu’on trouve de quoi il s’agit… Le Docteur Mackenzie ici présent, s’occupera de vous. Il vous fera passer des analyses, des tests psychologiques pour évaluer votre état… mental. Et il fera ce qu’il peut pour vous fournir les soins nécessaires au plus vite. »

Laissant un blanc pour permettre à Mackenzie de s’exprimer sur ce cas, Jack s’enfonça un peu plus dans son siège de cuir et fixa Franz d’un regard mi-compatissant, mi-intriguant.

« Sachez, monsieur Scorzi, que nous vous prendrons en charge du mieux que possible. Si vous sentez que vous risquez de faire une crise, ou si vous en faites une en pleine nuit, par exemple, veuillez m’en aviser sur le champ. Je vous fournirai un bipper, et je viendrais vous voir aussi vite que possible… Comme l’a dis le Général O’Neill, je vous passerais aussi des tests, et avec votre permission j’essaierais de reproduire les conditions qui ont provoqué votre dernière crise. Nous allons aussi vous faire passer plusieurs examens plus approfondis. Cela pourrait nous être utile pour déterminer si la cause de vos problèmes est d’origine alien ou purement psychologique. »

« J’ai déjà convaincu le docteur Mackenzie de passer ses tests ici, au SGC, et de ne pas vous interner dans l’hôpital le plus proche… Le docteur viendra donc avec son équipe chaque après midi pendant une semaine. Durant cette période, vous resterez consigné à la base. »

O’Neill ne dit plus rien. Franz devait donner son accord car, et oui, il avait le droit de refuser… Seulement, s’il décidait de ne pas subir de tests, il mettait un terme lui-même à sa carrière au SGC car il serait hors de question qu’il repasse la porte des étoiles ou qu’il travaille sur des projets de la plus haute importance en zone 51. Lors de l’incident qui s’était produit sur la planète Reetous, il avait eu une chance inouïe et mieux valait ne pas prendre le risque de le renvoyer en mission si jamais une autre crise, plus violente cette fois, ne venait à lui faire défaut…

Après avoir parlé, Mackenzie et lui, sur la suite des évènements concernant Scorzi, ce dernier sembla un peu surpris par autant de précautions, peut être. En tout cas, le fait de le mettre aux arrêts ne le laissa pas indifférent. Autant il était venu ici en sachant très bien la raison, autant il ne s’était pas attendu à être mis de côté le temps de faire les tests, ce qui pourtant semblait logique. Puis une semaine, ça passera vite. Le principal c’était que le travail du psychologue soit productif pour permettre à Franz de reprendre le travail tout de suite après, ce qui incluait partir en mission. Il demanda s’il pouvait prendre des affaires pour s’occuper l’esprit, mais Jack lui proposa mieux encore.

« Vous pourrez rester autant de temps que vous le souhaitez dans votre bureau. Je vous le dis, tant que vous restez au SGC il n’y a aucun problème. Vous n’aurez pas accès aux laboratoires primaires mais vous pourrez toujours continuer vos recherches personnelles, dans votre bureau, dans vos quartiers, au mess ou à la salle de sport… Vous pourrez circuler dans la base mais vous serez suivi par un garde. Question de précaution. »

« Et n’oubliez pas… » Ajouta Mackenzie. « A la moindre sensation de panique, bipez-moi. »

O’Neill sourit à l’intérieur de lui. Le mot « panique » était peut être un peu exagéré, bien que le comportement de Scorzi avait beaucoup troublé les autres membres de son équipe lors de leur dernière mission. Au fond de lui, il espérait que l’archéologue n’ait aucun problème psychologique car il savait que sa carrière serait fichue sinon. Et ce ne serait plus de la confiance qu’il ressentirait envers cet homme la prochaine fois qu’il le verrait, mais de la pitié. Jack ressentait toujours un immense malaise quand il faisait face à des handicapés mentaux, surtout quand il s’agissait de gens très bien psychologiquement, qui du jour au lendemain, perdaient les pédales sans vraiment savoir pourquoi…

« Je vous communiquerais l’heure de notre premier rendez-vous. » Fit le Docteur, avant de prendre un dossier dans ses bras, celui de Scorzi, qui avait trainé sur le bureau du Général durant cet entretient.

« Vous pouvez disposer. »

Les deux hommes le saluèrent à leur manière et purent quitter le bureau. O’Neill vit la mine légèrement inquiète de Franz mais lui lança un regard apaisé et confiant, avant que celui ne sorte de la pièce juste après le médecin…