Le soleil commençait lentement à disparaître lorsque l’équipe revint au camp de base qu’il avait quitté il y a plus de neuf heures et demi. Le retour avait été beaucoup plus lent que l’aller. Les visages de chacun étaient marqués par la fatigue et l’épreuve de la journée. Les plus chanceux s’étaient pourtant relayés pour porter les blessés mais les corps avaient désormais besoin de repos et aussi de quelque chose de consistant. Le camp avait été quelque peu réparé durant leur absence et ils furent accueillis en héros à l’intérieur. Les blessés furent conduits à l’infirmerie et on s’occupa des autres. Matt reçut de nombreuses tapes dans le dos, une personne se chargea même de lui apporter une gourde d’eau, un récipient pour se laver les mains et de prendre son équipement en échange pour aller le ranger.

Le Lieutenant en but une bonne partie en quelques gorgées avant qu’on ne lui propose quelques algues cuites au feu de bois. Il avait rêvé comme ses camarades d’un gibier, de viande simplement histoire de récupérer. Comme beaucoup, il refusa repoussant le plat. Eversman quitta ses camarades de galère pour se rendre à l’infirmerie. Dans la première partie, c’était le bazar avec l’arrivée des nouveaux cas bref pas mal d’agitation, Dablord tentait d’organiser un minimum les soins en traitant d’abord les plus graves. Matt lui fit signe mais il n’était pas sûr que le blondinet l’ait remarqué. Lui pénétra dans la deuxième pièce où étaient allongés les différents patients. Eiden était parmi eux et rien ne lui fit plus plaisir que de la voir apaiser ou plutôt endormie. Un gros bandage était apposé sur son épaule, elle qui se moquait de ces cicatrices, pourrait maintenant démontrer à ses petits-enfants qu’elle avait fait la guerre, elle aussi.
Le Lieutenant l’observa durant plusieurs minutes avant de finir par s’asseoir au sol, le dos contre les planches de bois comme ça lui aussi pouvait se reposer un peu. Sa position lui permettrait d’observer Eiden qui lui faisait face. Sa main finit par se poser sur celle de la jeune femme, il n’avait aucunement envie de la réveiller, juste lui faire savoir qu’il était là si elle venait à ouvrir les yeux. La médecin n’avait pas eu sa chance, d’habitude les rôles étaient échangés. Lui en était sortie indemne, certes ses côtes restaient douloureuses et il avait une belle bosse à l’arrière du crâne mais ce n’était pas grand-chose.
Cela devait faire une dizaine de minutes qu’il était là et un infirmier finit par débarqué, étonné de le trouver ici.

« Que faites-vous là ? Qui vous a donné l’autorisation ? »
« Euh personne… J’ai…» bredouilla-t-il avant qu’on ne lui coupe la parole.
« Quel est votre groupe sanguin ? »
« Euh O positif. »
« Parfait ! Ne bougez pas ! » L’infirmière militaire le délaissa sans plus explications revenant deux minutes plus tard avec du matériel dans les bras. Celle-ci s’approcha de lui, ordonna de retirer sa veste et de rester immobile. Très rassurant… D’un geste rapide, elle désinfecta son bras avant d’installer une aiguille dans le repli de son coude et la voilà mettant en place une transfusion directement au donneur.

« Et voilà, bougez de temps en temps vos doigts… On a vraiment besoin de sang et vous êtes donneur universel… Vous comprenez ? »
« Oui même si j’ai pas trop le choix… » A quel moment allait-il pouvoir lui dire qu’il ne supportait que très peu la vue du sang ? Surement pas de suite vue qu’elle repartit dans l’autre salle, le laissant seul avec sa poche à remplir. Rien que de voir son propre sang dans ce tuyau, c’était difficile pour lui alors remplir toute cette poche… Autant penser à autre chose et mettre ça hors de vue. Essayons de penser à autre chose que de se vider de son sang. Dur… Bref le Ranger finit par faire une sorte de malaise mais étant déjà assis, cela n’eut pas de conséquence et son état de fatigue était tel qu’il finit par s’endormir à la suite. L’infirmière n’eut pas le cœur de le réveiller, le laissant continuer sa nuit après lui avoir retiré la poche, c’était suffisant pour le moment.

La position avait beau être assez inconfortable, l’état de fatigue d’Eversman était tel qu’il lui permet de se reposer et cela comme rarement depuis leur arrivée sur cette planète. Ce repos était devenu une nécessité pour son corps au même titre que l’eau. Son sommeil était si profond qu’il ne ressentit même pas la venue de l’infirmière ni même lorsqu’elle retira la transfusion, il continua paisiblement la nuit jusqu’aux dix dernières minutes. Il était en plein rêve revivant son intercalation avec McClane. A genoux, désarmé face au fugitif qui menait la danse, prenant son pied à le martyriser. Les coups s’enchainaient, Eversman ne pouvait que subir de peur qu’il n’appuie sur la commande d’explosif et entrainent la mort certaine de chacun. Cela se traduit par un sommeil plus agité, ses yeux semblaient mouvoir sur les paupières, se tête remuait quelque peu. McClane venait de poser le canon de son P-90 entre les deux yeux du Ranger, qui sentait ces dernières minutes arrivaient à grande vitesse avant qu’il n’appuie sur la détonation.

Le Lieutenant se réveilla en sursaut ne pouvant retenir un beau rictus à cause du mouvement trop brusque qui lui réveilla une douleur au niveau des côtes. Il massa celles-ci avec sa main droite tout en regardant tout autour de lui. Il lui fallut au moins une dizaine de secondes avant de se rappeler où il était et pourquoi il était là. McClane n’était pas là, tout était terminé maintenant… De sa main libre, Matt essuya les quelques traces de sueur sur son front avec la manche de sa veste. Ses mollets étaient enquilosés, faute d’étirements suite à la marche, bref ce n’était pas la grande forme. Ce fut en tentant de trouver une position confortable qu’il remarqua enfin qu’une autre personne était éveillée dans la pièce ou plutôt sur ce lit qui lui faisait face.

« Hey… » Murmura-t-il laissant apparaître un sourire sur ses lèvres tandis que sa main droite venait se poser sur la main de celle-ci. « Content de te revoir parmi nous… » continua-t-il en massant sa paume avec son pouce.

L’avait-elle reconnu ? Matt n’en était pas vraiment certain mais peu importe, l’important était qu’elle sache que quelqu’un était à ses côtés. C’était vraiment étrange pour lui de la voir ainsi, faible et allongée sur ce lit. Habituellement les rôles étaient inversés et la voir ainsi lui faisait du mal. Il avait une idée de la souffrance éprouvée, lui-même ayant eu une grave blessure à l’épaule mais il avait fini par recevoir les meilleurs soins possibles or ici c’était loin d’être le cas malgré toute la compétence des médecins. Les paroles d’Eiden le rassurèrent sur son état de conscience. Elle semblait bien l’avoir reconnu et demandait les nouvelles des autres.

« Euh… » Hésitation de la part du Lieutenant qui ne savait pas vraiment ce qu’elle voulait entendre par d’autres. Voulait-elle parler de la petite traque à l’homme ? Surement pas, elle n’était dans un très sale état lorsque la traque avait commencée. De plus, Matt n’était pas le mieux informé sur les derniers événements. Il avait eu quelques informations à son retour par le personnel du Dédale et c’était assez déprimant, plusieurs morts, de gros blessés. Il valait mieux garder ce genre d’informations pour plus tard.

« Tout le monde est plus ou moins choqué par le drame mais tout est terminé… On a fini par avoir McClane et son complice Jacob… » Il avait plutôt bien évité la questions et espérait qu’Eiden n’allait pas le relever. Etant encore elle aussi sous le choc, il y avait peut être une chance de passer outre.

« Comment tu te sens ? »

« Julia va bien… Un peu choquée par tout ça mais elle n’est pas blessée. » S’empressa-t-il de lui répondre pour la rassurer. Il n’avait pas à lui mentir de ce côté vu qu’il s’agissait de la stricte vérité. Becker était surement un peu traumatisée par l’expérience mais elle avait eu de la chance de ne pas avoir de graves blessures physiques. Eversman tentait de la rassurer comme il pouvait sachant que cette période était assez délicate surtout pour une personne étant gravement blessée pour la première fois.
Le Lieutenant ramassa la couverture de survie au sol pour la mettre sur la blessée, il dut s’y reprendre à deux fois ne l’ayant pas mis du bon côté la première fois. Une fois qu’Eiden ressemblait à une papillote, il s’assit sur le côté du lit veillant à ne pas l’écraser pour ne pas la faire souffrir davantage. Il lui reprit la main continuant ses quelques caresses du pouce destinées à la maintenir éveillée et lui faire savoir que le Ranger était là. Son autre main continuait de maintenir ses côtes.

« J’ai fait au plus vite quand j’ai reçu ton message radio… A mon arrivée, tu étais déjà au sol et pas dans un très bon état… Je t’ai parlé, j’ai même compressé ta plaie sans tomber dans les vapes.. t’a vu, je m’améliore… » Ajouta-t-il avec un sourire. Le Lieutenant ferma les yeux quelques instants, il revoyait la scène devant lui, elle au sol avec du sang, beaucoup de sang… Il préféra rouvrir les yeux qui être confronté une deuxième fois car à ce moment-là, il n’était vraiment pas sur de la revoir en vie.

« Tu nous a fait très peur, tu sais… Tu m’a fais peur. »

« Tu pourras m’expliquer comment compresser une plaie sans faire mal mais uniquement quand tu seras en pleine forme… » lui répondit-il avec un sourire. Le médecin et lui avaient fait comme ils avaient pu pour compresser la plaie afin de lui éviter de perdre trop de sang quitte à trop appuyer. Etrange façon de les remercier mais bon au moins elle se souvenait d’Evans et de lui, c’était déjà un bon point. La pire douleur de sa vie ? Surement vu qu’elle était parvenue à y échapper lors des missions mais elle avait eu de la chance d’être à proximité de l’infirmerie car subir un transport, c’est difficilement supportable et il parlait en connaissance de cause. Quoique une opération sans anesthésie… Andrews voulut se redresser quelque peu, réveillant la douleur au passage. Le Ranger posa son autre main sur l’épaule saine pour la maintenir en position allongée. Cela ne servait à rien de vouloir se blesser davantage.

« Reste tranquille… Tu veux que j’appelle Dablord ? » Eiden ne chercha pas à modifier sa position, il put retirer sa main de son épaule. En tant que médecin, elle était capable de comprendre son état et donc d’agir en conséquence. Cela devait même être pire pour elle vu qu’elle s’y connaissait en anatomie.

« Arrête, tu n’y es pour rien…Tu ne pouvais pas savoir que McClane allait péter un câble… Personne n’aurait pu le prévoir… Maintenant ce qui compte c’est que tu te reposes et que tu reviennes en pleine forme. OK ? » La situation avait quelque chose de comique dans le sens que les rôles étaient inversés. Lui faisait toujours tout pour quitter l’infirmerie et Eiden lui demandant de rester calme etc… La jeune femme allait s’en remettre, il en était certain. Elle avait vécu des épreuves difficiles dans sa vie et à la base, ce n’était pas une balle dans l’épaule qui allait l’envoyer six pieds sous terre. Il aura tout de même fallu ce drame pour que les deux puissent se parler de nouveau calmement. Surtout du côté d’Eversman qui avait été assez dur avec elle, la repoussant avec une certaine violence dans les paroles et pourtant il n’avait pas hésité la moindre seconde à lui venir en aide.

« Tu veux manger, boire quelque chose ? »

« C’est un sale coup, c’est tout… Je montrerai ça à Evans après…» Cela ne servait à rien de le nier vu qu’il ressentait vraiment une douleur au niveau des côtes et que même Andrews dans le gaz était parvenue à le détecter. Il ne prit pas la peine de lui expliquer les détails, il aurait tout le temps une prochaine fois lorsqu’elle serait un peu plus conscience de lui raconter l’expédition. Il ne valait pas lui dire de suite qu’il avait été à deux doigts d’avoir un beau trou entre les deux yeux, gardons ça pour plus tard. Cela lui fit penser qu’il devait avoir une discussion avec les gradés de ce camp. Ce genre de situation ne devait plus se reproduire et pour cela, il fallait connaitre l’état mental de chacun. McClane semblait sans histoire et pourtant, il avait eu la lucidité pour mettre au point son plan et en emportait plusieurs avec lui.
Rentrer chez elle ? Cette pensée renforça un peu plus la pince d’Eversman sur la main d’Eiden. Lui aussi aurait voulu traverser de nouveau la porte des étoiles et revenir sur Terre comme tous ici. La suite des paroles d’Eiden le toucha, il ne s’y attendait pas ou du moins pas de suite. Faisait-elle référence aux paroles qu’il avait pu prononcer lorsqu’elle était au sol ? Il en avait bien l’impression.

« C’est ce que font les amis, lorsque l’un d’eux est en difficulté…Et moi aussi j’ai besoin de toi… » Se contenta-t-il de répondre. « Dablord s’est fait du soucis pour toi, je pense qu’il a une grande estime pour toi. » Il était vrai que le médecin avait semblé débordé devant la blessure d’Eiden. Etait-ce parce qu’il était sous le choc de la fusillade ou par le fait que ce soit Andrews, la blessée ? Lui seul était capable d’y répondre. Eiden commençait à manifester de nouveaux signes de fatigue, il était temps pour lui de la laisser se reposer un peu.

« Je vais te laisser, tu as besoin de repos. »

Eversman n’avait pas fait le moindre geste annonçant son départ qu’Eiden lui attrapa la main avant de lui intimer l’ordre de rester. Cela lui fit plaisir de savoir que sa compagnie était appréciée, ce qui voulait dire que de son côté aussi, elle oubliait les deux dernières semaines pour repartir sur une base solide, le lien solide qui les unissait depuis le début. Là, c’était Eiden qui avait besoin de lui et il pouvait bien passer un peu de son temps à ses côtés.

« Je reste là, avec toi. Ok ? » Le militaire ne lui lâcha pas la main et essaya de trouver une position un peu plus confortable vu qu’il risquait de rester là un moment. Quoique Eiden avait manifesté des signes de fatigue, elle voulait peut être juste qu’il soit là pour qu’elle puisse s’endormir, une présence rassurante à ses côtés. Le Lieutenant s’allongea quelque peu prenant appui sur son coude pour qu’il puisse voir son visage et réciproquement. Cela sans toucher au corps d’Eiden pour ne pas la faire souffrir une nouvelle fois autant dire que la position n’était pas plus agréable que la précédente surtout pour ses côtes qui se faisaient une joie de lui rappeler que c’était pas la grande forme. Son estomac choisit aussi de profiter du silence pour laisser échapper une plainte aussitôt réprimé par un Eversman un peu gêné.

« Désolé… » Pourquoi fallait-il que cet estomac gâche toute l’ambiance ? Le Lieutenant soupira essayant de se détendre un peu, après tout lui aussi pouvait profiter du moment pour se reposer un peu. Et surtout profiter de la présence d’Eiden. Chose qu’il n’avait pas fait depuis deux semaines alors qu’ils avaient largement eu le temps pour.

« Je te laisse trouver le sujet de conversation… Tu sais bien que je ne suis pas très doué pour ça ! A moins que tu ne veuilles discuter du championnat de football ? » proposa-t-il avec un sourire.

Cette fameuse barre de céréale… Il ne fallait pas demander l’état dans lequel elle devait être depuis toutes ces aventures. Cela devait faire trois semaines qu’Eiden l’avait dans ses poches, elle avait dû donc en voir des choses et devait être en morceaux. Même dans cet état, la proposition restait tentante car le Ranger était toujours affamé mais il se résolut à décliner l’offre. C’était celle du médecin, lui avait eu les siennes et s’en était goinfré dès les premiers jours.
Eiden n’avait pas voulu trouver de sujet de conversation, il se lança donc dans un monologue sans précédent afin de lui expliquer pourquoi cette année, Chicago ne remporterait pas la ligue mais par contre serait dans le top 3 l’année prochaine grâce à la montée en puissance d’un tout jeune attaquant. C’était le transfert de deux de leurs défenseurs qui avaient modifié la charnière en milieu de saison qui leur avait fait défaut, le temps que les automatismes se recréer mais la saison suivante, ils seront favoris. Son sujet ne devant pas être très intéressant aux yeux d’Andrews, celle-ci était en train de ronfler doucement mais surement. Elle ne faisait que retarder un peu le monologue de Matt car elle y aurait droit.

N’ayant pas sommeil, il décida de la laisser cette fois se relevant tout en veillant à retirer la main de celle-ci le plus doucement possible. Le Lieutenant contourna le lit afin de récupérer sa propre veste au sol. Une fois en main, il s’apprêta à la laisser mais voulut lui laisser un petit message ou quelque chose. Ses poches étaient vides. Son regard s’arrêta sur la feuille posait sur le lit d’à côté. Lecture rapide, c’était des notes pour le personnel médical sur l’état d’Andrews. Tanpis. Celui-ci ramassa le crayon au sol avant de griffonner.

Citation :

« La Lune nous attend toujours… Repose toi bien ! Matt »

Le médecin comprendrait bien, ou pas… Après un dernier regard en direction de celle-ci, Eversman la laissa avant de faire un tour par la case infirmerie pour recevoir un diagnostic sur l’état de ses côtes. Pour cela, rien ne vaut un massage bien douloureux vu que la radio… Une chance, rien de cassé, peut être une de fêlée mais l’infirmier ne pouvait pas l’assurer.

Les jours défilaient les uns après les autres, aucun ne ressemblait aux précédents sur cette maudite planète. Bientôt un mois qu’ils étaient là et toujours aucune nouvelle annonçant un retour sur Terre. Cet espoir était devenu de plus en plus maigre chez chacun des membres de l’expédition, il n’avait disparu des conversations et peu à peu des pensées. Matt espérait toujours revenir sur Terre mais il s’était désormais résolu à ne plus se faire de faux espoirs, à se dire qu’il ne la reverrait peut être plus. Leur petite vie reprenait sur le camp, chacun s’occupant des tâches journalières comme ramener du feu pour le foyer central ou de la nourriture…
La nuit n’allait pas tarder de tomber sur le campement, les désormais nommés « cuisiniers » du camp avaient préparés deux sangliers à la broche ce qui était un repas copieux. D’autres aidaient en préparant quelques algues ou autres mets comestibles pour les quelques végétariens du groupe. Eversman avait d’autres projets en tête pour la soirée. Le matin même, il s’était arrangé lors de sa visite quotidienne à Eiden, pour lui laisser un petit mot lui donnant rendez-vous sur la plage vers 19h. Le Lieutenant l’avait dissimulé dans la poche de sa veste afin qu’elle ne le trouve pas de suite. Il avait dû négocier avec un membre du dédale pour être de garde de matin plutôt qu’au soir ce qui lui permettait de se libérer.

Un passage rapide vers le foyer afin de récupérer quelques surprises avant de se diriger vers la plage à la lueur d’un flambeau. Il était en retard, chose assez habituelle avec lui malgré qu’il fasse pourtant tout pour être à l’heure mais bon Eversman était quand même là à la fin. Il repéra une silhouette un peu plus loin, celle-ci était assise sur le sable. Il s’en approcha reconnaissant Andrews au fur et à mesure de ses pas.

« Salut ! » déclara-t-il en déposant le flambeau un peu devant elle, le plantant dans le sable, suffisamment pour qu’il soit stable. Une fois cela fait, le jeune homme s’assit à ses côtés, lui accordant un sourire.

« Je sais, je suis en retard mais j’ai apporté le diner ! » dit il avec un sourire d’excuses dévoilant le contenu de sa main gauche. Un paquet entouré de feuilles qu’il déplia dévoilant quelques morceaux de viandes ainsi qu’un autre truc dont il ignorait le goût, découverte du jour par une équipe de scientifique.

« Sanglier mutant cuit au feu ! » annonça-t-il fièrement en contemplant les morceaux de viande qui semblaient savoureux. Lui qui aimait à point, il ne pouvait qu’être satisfait des morceaux. Rien que l’odeur le mettait en appétit contrairement à Eiden qui refusa ayant déjà mangé au midi. Matt ne put s’empêcher de lever un sourcil devant la réaction sur lui avant de répéter.

« Une fois par jour ? Tu es folle… Mange quelque chose, allez pour me faire plaisir ! » Ajouta-t-il avec une mimique d’enfant malheureux qui lui permettait souvent d’atteindre ses buts. Lui ne se pria pas pour se satisfaire avec un premier morceau. Comme d’habitude, il avait toujours faim. Pas de couverts pour apprécier les victuailles, les doigts feraient l’affaire.

« Comment tu vas ? Encore combien de temps en écharpe ? » Certes, ils s’étaient déjà vu le matin même mais celle-ci était censé revoir l’un des toubibs pour connaître l’avancée de sa guérison. Eiden était certainement capable de faire une estimation elle-même des dégâts mais bon le protocole continuait d’être appliqué du côté médical afin d’éviter les infections et donc que les blessures dégénèrent. Dans un tel milieu, une simple plaie pouvait être fatale d’où une grande prudence du staff médical.
Celle-ci finit quand même par prendre un petit morceau avant qu’Eversman ne finisse le reste, goinfre comme il pouvait l’être. L’estomac à peu près rempli, celui-ci se détendit davantage prenant une position plus confortable, allongée en appui sur ses coudes. Il s’intéressa alors au panorama qui leur faisait face, c’est-à-dire la noirceur de la mer sur laquelle se reflétait la Lune. Cette vision avait quelque chose d’apaisant, limite de romantique. On pouvait avoir la même vue sur Terre, du moins le reflet de la Lune sur l’océan mais celle de cette planète était très proche et donc paraissait beaucoup plus volumineuse. De plus, ce satellite avait une étrange couleur bleue pâle ce qui la rendait plus belle aux yeux du Ranger.

« Je te l’avais bien dit que ce spectacle valait le coup… » dit il en tournant la tête vers celle-ci avec un sourire.

« On peut très bien les nommer de suite… » Répondit-il de suite à la demande d’Eiden. Ce n’était peut-être pas ce qu’elle attendait, peut être préférerait elle que ce soit des scientifiques qui s’occupent de ça mais bon trop tard Eversman était déjà en train d’y réfléchir. Il avait été toujours assez nul pour les trouver sur Terre, on avait beau lui montrer sur un papier avant de lui indiquer de la main la direction Matt passait souvent à côté. En même temps, pourquoi nommer Cassiopée, un W ? Il n’y avait rien de logique là-dedans. Le lieutenant tentait de repérer des formes régulières ou quelque chose s’apparentant à cela et au bout de trois à quatre minutes d’observations, il finit par s’écrier.

« Euréka ! » avec le bras levé en direction de sa découverte. « Là bas, on dirait une sorte de balle. » dit-il en mimant avec son doigt le contour de celui-ci. « Bon bien sûr, faut faire comme si, on ne distingue pas celle du centre mais à part ça, c’est un beau ballon. On l’appellera donc le ballon de football. »
Sa grande découverte achevée, le Ranger se lança à la recherche d’une autre figure reconnaissable et cela ne tarda pas grâce à son imagination. Bientôt furent repérés dans le ciel étoilé, la grande moustache, la télécommande – une forme rectangulaire – et le serpent. Il s’était attaché à trouver d’autres formes mais cela devenait complexe et difficile de trouver une représentation de cela.

« On dirait une sorte de poisson celui-là…Mouais et encore...Tu en penses quoi ? » ajouta-t-il en se tournant vers celle-ci qui sembla prise au dépourvu n’ayant surement pas tout suivi à son développement. Matt eut alors le loisir de remarquer les traits tristes sur le visage de celle-ci avant qu’elle ne cherche à les dissimuler et cette découverte-là, lui fit oublier les constellations.

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

Il pouvait très bien imaginer ce qu’elle ressentait. Cette déception d’avoir cru durant un infime instant qu’ils avaient peut être une chance de rentrer chez eux. Ce faux espoir. Le retour à la réalité n’était que plus douloureux car chacun savait qu’ils étaient condamnés à rester ici ou moins qu’ils s’y étaient résolus par dépit. Matt n’aimait pas parler de l’avenir, pas sur cette maudite planète. Il préférait voir la vie au jour le jour surtout avec les derniers événements. La survie était difficile sur cette planète mais cela aurait encore pu être pire si les conditions climatiques avaient été extrêmes l’environnement plus hostile.

« Ok, c’est l’inconnu ici… mais on n’est pas encore mort et on le sera pas tant qu’on continue de survivre, de se battre comme on le fait depuis un mois maintenant… » Le jeune homme s’était redressé légèrement durant ses paroles et ne quittait pas Eiden du regard. Il n’était pas prêt à se laisser mourir lentement, il se battrait jusqu’au bout en ne lâchant jamais le morceau. Jamais il n’abandonnerait. On ne lui avait pas appris à baisser les bras, d’attendre sagement mais d’aller de l’avant et cela c’était ce qu’il s’efforçait de faire depuis le début comme les nombreux militaires. Si ils s’étaient dit que tout était fichu, ils n’auraient pas monté le camp ou étaient à la recherche de nourriture.

« Même si on ne dispose plus de matériel médical, tes gestes, tes mains pourront toujours permettre de sauver des vies… Comme moi, je m’efforcerai de te protéger avec mes poings s’il ne reste que cela. » Bon ce n’était peut-être pas le meilleur moyen de prouver que même sans matériel elle pouvait demeurer utile au camp mais à défaut.
« Et puis si tu étais un boulet, tout le camp ne viendrait pas t’apporter des trucs à l’infirmerie. Tu es certainement la patiente la plus gâtée. Si ça, ce n’est pas une preuve qu’on tient à toi ?! » Ajouta-t-il avec un sourire tout en posant sa main sur son épaule valide. Il l’aurait bien pris dans ses bras mais avec son épaule blessée, cela aurait été douloureux et il parlait en connaissance de cause.

Alek… Ce nom, il avait toujours beaucoup de mal à l’entendre et encore plus par Eiden. Le Lieutenant ne put s’empêcher de baisser la tête. Il s’attendait à ce qu’elle replonge dans une spirale négative en lui racontant à quel point, il lui manquait mais rien de cela bien au contraire. Matt ne releva pas de suite la tête, dissimulant difficilement un sourire. En tant qu’ami, il aurait normalement dû être désolé pour elle, compatir du fait qu’elle soit séparé de son compagnon mais Alek, non pas possible… Il ne chercha pas à en savoir plus sur ces désirs, non il jubilait déjà assez intérieurement qu’Eiden aille de l’avant pour lui faire revenir en arrière.

« Tu peux toujours te lancer dans le jardinage ou alors le macramé ! » dit-il en plaisantant relevant la tête vers celle-ci ne cherchant plus à cacher son sourire.

« Bien sûr que je ramènerai le plus de sanglier. C’est même certain ! Avec Lang, on en a deux d’avance sur Turner et on compte bien garder l’avantage jusqu’au bout. Surtout qu’eux, c’est des nains vis-à-vis des notes… » Mauvaise foi mais bon il pouvait bien se moquer de ses camarades surtout lorsqu’il était revenu les mains vides et eux pleines. Certes, cela voulait dire peu de nourriture mais aussi pas mal de moqueries entre militaires. Toujours cette compétition entre eux. Il fallait bien occuper le temps.

« Quelles rumeurs ? » ajouta-t-il avec un certain sourire vers elle, curieux d’en savoir davantage. Il avait une certaine idée sur l’origine de celle-ci mais était avide d’en savoir plus là-dessus, que pouvait il se dire chez les filles ? Poussant la mauvaise foi au maximum, il continua sur sa lancée. « Je ne vois pas du tout de quoi tu parles… Pas de ma faute, si toutes vous fantasmez sur moi. » S’amusant de la situation, le jeune homme s’allongea de nouveau, affichant un franc sourire en s’imaginant tout ce qui avait pu se dire. Sa main s’était décalée en même temps que son mouvement pour se retrouver paume en l’air, sur le sable.