Le voyage en avion avait été pénible, même en première classe. La variation de pression atmosphérique s’était fait ressentir dans les tympans de Jack pendant tout le trajet, jusqu’à ce qu’ils arrivent à destination. Des boules quies spéciales avaient été conçus pour ce genre de chose, capable de réguler la pression pendant le décollage et l’atterrissage d’un avion, mais Jack avait refusé d’en prendre, lui qui autrefois était un grand pilote de chasse avant de perdre une partie de sa jambe. Son honneur lui interdisait de prendre ce genre de truc, et il avait eu tord…
Il avait fait passer un sale moment à Layer, lui racontant d’un narcissisme exagéré toutes ses anciennes missions glorieuses. Le civil allait au clash mais au fond, le Général s’en foutait. Il avait vécu des choses sur des autres planètes que lui ne verrait jamais, et il espérait le rendre jaloux comme ça. C’était tout ce que méritait Rodolph Layer, si habitué à rabaisser les autres dans son estime. Puis O’Neill lui rejoua quelques épisodes des Simpsons qu’il connaissait par cœur, jusqu’à ce que l’homme à lunette ne s’endorme sur son siège, la joue collée contre la vitre du passager.

Plusieurs heures plus tard, Layer se réveilla quand Jack lui asséna un gentil coup de coude. L’avion était en train d’atterrir. La pression variait constamment au fur et à mesure qu’il perdait de l’altitude et les oreilles du Général continuaient de bourdonner.
L’appareil arriva enfin au sol, sous le ciel grisâtre de Washington D.C. Ils descendirent par les escaliers et Jack ferma les boutons de sa veste, accueilli par un léger vent frais.

« Colonel Davis, ravi de vous revoir. Félicitation pour votre promotion. »

Un petit compliment n’était pas de trop, dieu savait à quel point ils étaient rares dans une ville pareille. De plus, il s’agissait d’un vieil ami et Jack voulait montrer à Layer à quel point les deux hommes étaient proches, comme des frères.
Ils marchèrent jusqu’à l’entrée de l’aéroport où une voiture banalisée noire les attendait dans un petit parking VIP. O’Neill était un peu déçu, il aurait préféré avoir une limousine. Discuter avec le président des Etats-Unis d’Amérique n’était pas donné à tout le monde après tout.
Il ouvrit la porte et laissa entrer Layer en premier, avant de s’asseoir à son tour. Davis était devant placé devant lui et un jeune militaire faisait office de chauffeur. Un simple Caporal d’après les insignes qu’il arborait sur lui. Davis fit un rapide résumé de ce qui allait se passer. Ils auraient le temps de finir leur préparation en route et Layer ne rata pas l’occasion pour lancer une pique verbale au Général.

« Ne vous inquiétez pas Layer… Je sais que ma seule présence ici vaut bien mieux que vos paroles. » Il lui rendit un sourire moqueur, jetant de temps en temps un coup d’œil sur l’extérieur.

« Plus sérieusement, c’est loin d’être gagné... A Washington, tout s’échange, tout se négocie jusqu’au moindre compromis... On n’a vraiment rien sans rien, vous êtes bien placé pour le savoir mon cher. » Dit-il en s’adressant à Layer.

« Je déteste cet endroit. »

Jack se perdit dans ses pensées, observant la route qui défilait. Il n’avait ni peur ni honte de ce qu’il disait. C’était le lieu de culte pour sénateurs infâmes et avare de pouvoir. Si le Capitole était toujours, sur la forme, l’emblème et le symbole d’une politique américaine puissante et pure, dans le fond elle restait puissante mais n’était pas aussi « clean » qu’elle le laissait paraître. Le pouvoir et l’argent pouvaient transformer n’importe quel homme qui passait ici.

« Attention, un piège ! »

La voix du Colonel Davis le sortit de ses pensées. La voiture venait de freiner subitement et d’autres véhicules arrivèrent autour d’eux pour les encercler et leur barrer la route. Plusieurs balles traversèrent les vitres, qui se brisèrent en mille morceaux. Il y eut un bruit sourd suivit d’un « poque », probablement une tête qui n’avait pas échappé à l’un des tirs ennemis. Ce n’était pas celle d’O’Neill, ce dernier s’était baissé dans un rapide réflexe. Il leva le regard et vit le Caporal qui était au volant, cloué sur son siège avec la tête en arrière, une marée de sang s’échappant du trou qui venait de se dessiner en plein milieu de son front. En temps normal, si Jack avait vu cette scène dans un film, il aurait pété de rire face à cette vision de mort et de sang. Mais là c’était bien la réalité et cette tête aurait pu être la sienne. Tout n’était qu’une question de chance et de détail. Rapidement, les coups de feu vinrent remplacer le bourdonnement qu’il avait dans les tympans depuis son périple en avion. Un mal pour un bien…

Quelqu’un le prit par la veste et lui secoua le bras. C’était Layer, complètement hystérique avec ses lunettes tordues sur le nez. O’Neill analysa vite fait la situation alors que d’autres balles continuèrent de cribler le corps du défunt Caporal. Davis, lui, semblait encore bouger et avait ouvert la boîte à gant, sûrement pour prendre une arme. Jack décida de lui laisser les mecs de devants, lui irait s’occuper de ceux de derrière.

*J’ai toujours dis que c’était une ville de merde !*

Le Général grogna longuement, somma à Layer de se calmer et de rester tête baissée, et releva son bas de pantalon, où un Steyr m était accroché à sa jambe de fer. Plutôt pratique comme cachète. Jack s’empara du semi-automatique et se prépara à niquer ceux qui osaient l’affronter…

Jack en comptait moins d’une dizaine. Il ne pouvait pas voir leur visage, gardant la tête baissée la plupart du temps. La voiture était assez large mais les mouvements à l’intérieur étaient limités, surtout pour quelqu’un qui possédait un handicape à la jambe. Des bouts de verres volaient un peu partout et les suspensions du véhicule cédèrent sous les tirs ennemis. Finalement, ne pas avoir pris de limousine avait été une bonne idée.
Armé de son semi-automatique avec un seul chargeur sous la main, le Général leva la tête pour apercevoir des formes, des silhouettes d’hommes planqués derrière leur voiture. Ils étaient armés d’armes de guerre à en juger la cadence des tirs. Cela ne laissé que peu d’espoir pour les hommes du SGC et à vrai dire, Jack ne se voyait pas sortir vivant de cette situation. Le Colonel Davis informa que la police ne tarderait pas. Réelle info ou simple intox pour donner un peu d’espoir à ce pauvre Layer ? Il n’en savait rien et préféra ne pas s’attarder là-dessus.

« Qu’ils aillent se faire foutre !! » Grogna Jack qui ouvrit la porte près de lui. Celle-ci fut criblée de balle. Il profita de cette faible diversion pour se pencher sur la plage arrière de la voiture et tirer trois balles. L’une d’elle détruisit la vitre du véhicule ennemi, une autre s’enfonça dans la carrosserie et la dernière toucha finalement l’un des hommes.

Puis il se rebaissa, laissant s’abattre au dessus de lui une pluie d’acier. Quelqu’un en face possédait un pistolet mitrailleur, ça s’entendait… Un cri attira son attention et O’Neill aperçut Davis devant lui, se tenant l’épaule, la main ensanglantée.

« Ca va tu t'en sors ??!! »

Pas le temps d’écouter ses ronchonnements que Rodolph s’invita à la petite partie, contre sans grès, armé d’un 9mm. Il tua quelqu’un, du moins c’est ce que Jack crut voir de là où il était, juste avant de repérer la forme de deux autres gars fonçant droit sur eux dans le but de les massacrer à bout portant dans cette putin de voiture. L’un des mec se dirigeait vers son côté, l’autre du côté de Layer. Il laissa ce dernier se débrouiller seul et s’occupa d’accueillir le pauvre type qui s’approchait de sa porte, continuant de mitrailler le coffre dans l’espoir que les balles passent à travers, sans doute.
O’Neill se tendit horizontalement sur la banquette et tira deux balles, dans le cœur puis dans la tête de l’homme, qui dansa sous l’impact des balles avant de s’écrouler lourdement au sol.
Puis un gémissement venant de Layer le fit se redresser pour s’occuper de l’autre type, tirant une balle qui lui traversa la carotide. Tout ça lui rappelait sa lointaine jeunesse où il jouait dans le 4x4 de son père avec un bout de bois faisant office de fusil. Le gosse qu’il était ne se lassait pas de monter dans le véhicule et de se battre contre des ennemis imaginaires, rampant sur la banquette, zigzaguant entre les sièges avant et arrière, et ouvrant toutes les portes pour viser et tirer de tous les côtés.
C’était la belle enfance… Celle dont il en avait oublié le goût mais pas les souvenirs.

« Hey ! Reviens p’tit con !! »

Layer s’était subitement levé pour sortir de la voiture. Etait-il devenu fou au point de vouloir fuir et d’attirer toutes les balles vers lui ? Il s’en prit une d’ailleurs, en pleine jambe. O’Neill profita de cette diversion improvisée pour se relever et tirer quelques balles, mettant à terre un autre homme sans être sûr de l’avoir bien tué. De là où il était, Jack crut même entendre ses cris de souffrance et sa voix puéril en train d’appeler sa mère en hurlant au secours.

« Layer ! » Le civil ramena son cul dans le véhicule et poussa Jack, qui n’avait pas compris l’utilité d’un tel geste au début.

Un ennemi venait de sortir de sa cachète avec une arme automatique, vidant son chargeur sur la voiture. Une balle perdue atteignit l’homme du CIS dans le dos. Un tir fatal, O’Neill en avait bien peur. Le monde s’arrêta de tourner quand il se rendit compte que cette balle lui était destinée… Layer lui avait sauvé la peau mais se retrouvait maintenant avec un trou dans le dos et dans la jambe.
Jack tenta de riposter mais à peine risquait-il de lever la tête qu’il pouvait se retrouver avec un projectile d’acier entre les deux yeux. Il essaya de trouver une solution, d’attendre un miracle ou quoi que se soit qui les sortirait de là…

« Davis ?! Layer est touché ! »

Pas de réponse de la part du Colonel, qui avait ses propres soucis à l’avant du véhicule. Jack regarda Rodolph, qui avait perdu ses lunettes et qui affichait un regard plein de rédemption à l’égard du Général. Il n’avait jamais apprécié le civil mais de là à souhaiter sa mort, surtout qu’il venait de lui sauver la mise…
C’était vraiment une ville pourrie.
Le regard de Layer semblait être perdu, vague et baignant dans un infini lointain. Le genre de regard que lançait inconsciemment quelqu’un qui allait bientôt y passer.

« Merde ! Tient bon ! »

Jack retourna Layer sur le ventre et déchira son uniforme militaire pour le foutre en boule et le presser contre la blessure de son collègue. C’était tout ce qu’il pouvait faire. Il reprit son Steyr et envoya quelques balles par-dessus les sièges arrière, sans grand succès.
Ils allaient tous y passer… Layer, Davis, lui… Leur histoire allait se terminer maintenant, dans cette voiture, à Washington DC…
Quelle fin héroïque…

Ce n’était qu’une question de temps.