La porte des étoiles… Sa présence était devenue habituelle, réconfortante, tout ce qui y a de plus banal que de se réveiller le matin et de voir cet appareil extraterrestre là, juste derrière cette baie vitrée. O’Neill l’aimait et la détestait à la fois. Il la vénérait, l’utilisait de son plein gré, mais la craignait tout autant. Combien de personnes l’avaient traversée et n’étaient jamais revenues ? Combien de bonnes choses ou d’évènements tragiques avait-elle engendrée ? Et si tout ça n’était jamais arrivé ? Et si la porte des étoiles n’avait jamais été découverte… Comment se porterait la galaxie à l’heure actuelle ?
Autant de questions aux multiples réponses que Jack O’Neill se posait lorsqu’il la contemplait. Le regard perdu sur ses symboles anciens, il était bercé par le silence tranquillisant et hypnotisant de la pièce. Aucun briefing n’était programmé. La journée allait être calme, ou était sensée l’être, d’après le planning…
Un petit bruit d’ampoule grillée lui parvint, ainsi que celui, mystérieux, qui parvenait des entrailles même de cette base. Le genre de bruit qui émanait seulement lorsqu’il y avait un silence et une inactivité humaine... La base s’exprimait. Eh oui, à force de la côtoyer, le Général pouvait l’entendre, la comprendre, et même lui parler. Ce bruit qui venait de loin mais qui était si proche, tel un engrenage de bois fragile et humidifié qui essayait de se dégager de l’emprise d’un fardeau aussi lourd que le poids des malheurs de ce monde…
Et là, encore une fois, Jack divaguait dans ses pensées.

C’est drôle… Même lorsqu’il savait ne pas être seul dans la galaxie et n’être qu’un détail de l’univers, au final, il se sentait souvent esseulé et ne pouvait se fier qu’à lui-même.
C’est donc dans cette optique peu joyeuse mais tellement réaliste de la vie qu’il se dirigea vers le bureau de ce bon vieux Layer, l’homme aux quatre yeux et aux dents jaunes… Depuis qu’il était à la tête de tant de responsabilité, il se laissait un peu aller… S’ils vivaient toujours à l’époque des sioux, nul doute qu’il se serait prénommé Dents-pourries. Depuis sa première visite au SGC, il était devenu une épine dans le pied, un rat, un col blanc, un bouffeur de saucisse bien grasse du mess mais surtout, un gros emmerdeur qui prenait toutes les mauvaises décisions et qui faisait le contraire de ce qu’il fallait.
Et maintenant, Dents-pourries et Jack le Sage devaient régner à deux et se partager le personnel. Une idée pas si mauvaise que ça puisque le Général ne s’occupait plus que du cas des militaires. Les erreurs expérimentales des scientifiques et les labos qui explosent malencontreusement, c’était terminé pour lui. Il gérait ce qu’il savait gérer, et le faisait avec toujours autant de tact et de professionnalisme.
Arrivé à la porte du bureau de son acolyte civil, d’une vitesse d’unijambiste plutôt respectable, il s’apprêta à ouvrir brusquement la porte mais vit que celle-ci était déjà ouverte. Il jeta un œil, le seul qu’il lui restait, dans l’entrebâillement de celle-ci. Il y vit la tête de nœud de Layer, plongé en plein dans la paperasse et transpirant à grosses gouttes. Eh oui, la pression d’un leader, fallait la supporter…

« Toujours le nez dans vos papiers, vous ne prenez jamais de pause vous ? » Fit le Général en entrant timidement dans la pièce, comme s’il craignait de choper une maladie incurable en entrant dans le bureau de son meilleur ennemi.

« Vous savez que la fatigue et le stresse augmentent les chances de faire une erreur ? Et dans cette base, une erreur peut coûter très chere à la planète… » Ajouta-t-il d’un ton moqueur et -légèrement- supérieur...

Décidemment, monsieur Layer était l’exemple même du civil inconscient et pétant plus haut que son cul, qui venait de débarquer en croyant tout savoir sur le monde et les choses qui l’entouraient. Il pensait tout connaître, contrôler la situation, alors que son expérience était nulle et que son savoir ne venait que des rapports écrits par les personnes qui travaillaient ici. Il n’avait aucune expérience du combat, des décisions qui pouvaient changer le cours de l’histoire et qui pouvaient mettre en danger des vies, des peuples voire des planètes entières… Alors évidemment, ce pecno sortit tout droit de l’école faisait peur à Jack, dans le fait où une bonne partie de cette base était maintenant sous son contrôle.

« Je trouve qu’on a évité le pire. La Terre se porte bien… Si je suis quelqu’un qui a toujours merdé dans les décisions à prendre, notre planète bleue peut être heureuse d’être toujours libre et épargnée par tous nos ennemis interplanétaires… A vous entendre, ca doit être de la chance. » Répliqua-t-il non sans entrain dans le ton de sa voix.

« Qu’est-ce qu’on ne ferait pas sans vous Layer ! » Ajouta-t-il avec un petit sourire moqueur.

« Vous êtes un putain de héros... »

Ces derniers mots, il n’avait pas pu les retenir. Il savait que cela n’aidait en rien leurs relations professionnels mais Jack trouvait ça assez insupportable de goûter à l’arrogance de cet homme en costard cravate, qui n’avait pas la moindre idée de ce qu’ils avaient pu vivre pour en arriver là. Nul doute que l’homme faisait principalement allusion à Nebek, et d’ailleurs, O’Neill souffrait toujours de cet épisode douloureux. Mais Layer n’était pas là ce jour là et n’y avait pas participé. A partir du moment où il faisait allusion à ce moment, O’Neill avait envi de gerber à ses pieds. Cet homme n’avait rien compris à la vie et n’allait jamais comprendre jusqu’au jour où il frôlera la mort. C’était toujours comme ça que ça marchait...

« Je suis toujours prêt à vous aider mon cher. » Reprit-il d’un ton plus diplomate. « Avec un prénom comme le votre, la vie de tous les jours ne doit pas être très simple, je comprends tout à fait… Mais ca ne vous donne pas le droit d’être aussi sur de vous ! Bref, blague à part, je peux vous aider… Vous voulez que je range votre bureau ? »

Ca y est, le combat était réengager. Tel un combat de boxe, les deux partis allaient s’entretuer jusqu’au KO… Ou jusqu’à ce qu’une alerte de la porte des étoiles n’arrive. En tout cas, O’Neill n’avait pas envi de se faire écraser les pieds par un merdeux aux lunettes aussi grosses que son égo. Il était prêt à se battre pour garder sa place, dans le cœur du personnel, mais aussi car c’était une question d’honneur…
Il n’avait aucune leçon à recevoir de lui.

A chaque fois qu’il lui adressait la parole, Layer le fixait de son regard niaiseux, tel André le Paté dans les Visiteurs en Amérique. C’était un visage énervant qu’on avait envi de frapper. Ses expressions faciales lui donnaient envi de chier et il était dur pour le Général de se concentrer sur lui plus de quelques minutes. Il détournait souvent son regard vers autre chose, pas par faiblesse mais par dégoût. Il n’oubliait pas d’autant plus qu’il parlait à un pauvre civil en costume cravate sans expérience de quoi que se soit.
Mais lorsque celui-ci l’accusa d’être un mauvais commandant, que c’était le genre d’homme qui était responsable de la défaite au Vietnam ou pire, de l’enlisement en Irak. O’Neill ne savait plus où se mettre, hésitant entre foutre une droite à cet homme qui l’insultait ou lui enfoncer sa jambe de fer quelque part vers son postérieur, là où même la lumière n’entre pas.

« Espèce de… » Jack eut un mal fou à retenir sa rage, mais il parvint à le faire sans vraiment savoir comment. La sagesse de son âge avancé peut être…

« Je suis peut être mal en point… » Dit-il en faisant allusion à son physique. « Mais je suis toujours assez fort pour vous mettre une raclée. Souvenez-vous en, Layer. »

Il s’était bien rapproché de lui, comme une demande en duel. Il voulait sentir son souffle sur son visage. Comment ce fou pouvait-il lui reprocher autant de chose ? C’était inconcevable d’avoir un tel commandant à la tête du SGC, et encore moins de tenir une conversation sensée avec lui. Jack mit fin au carnage d’un ton qui ne se montrait guère amical.

« J’ai été à la retraite une fois et on est revenu me chercher… Vous pouvez me foutre à la retraite à nouveau, je n’en ai rien à foutre… »

O’Neill s’apprêta à faire demi-tour puis s’arrêta au seuil de la porte. Il se retourna à nouveau vers Rodolph Layer. Son regard flamboyant le défiait de rétorquer quoi que se soit qui le mettrait en rogne. La communication était un sens, un outil, et ne devait pas être utilisé pour raconter des âneries. Le Général n’en revenait toujours pas de l’autosuffisance de ce responsable du CIS.

« Et au cas où vous vous demanderiez… Aucun de MES hommes ne voudra prendre volontairement ma place et me foutre à la porte. Aucun. Heureusement que la connerie ne tue pas… Vous seriez déjà en enfer. » Fit-il avant de sortir en claquant la porte, retournant tranquillement vers son bureau.

Ce n’était pas très poétique, certes, mais O’Neill avait décidé de ne plus débattre avec ce genre d’homme. La prochaine fois qu’il irait s’occuper le temps libre, il irait papoter avec Walter. Layer n’avait rien à lui apporté, à lui et au SGC. Ce n’était qu’un responsable inconscient qui serait très rapidement noyé par les responsabilités de ses actes… Et qui ne ferait pas long feu.