En ce moment même, trois équipes avaient été envoyées en mission à trois endroits différents, cela va de soit. C’était une expérience assez stressante pour un Jack O’Neill qui, malgré tout, ne s’était toujours pas habitué à son poste de Général. D’ailleurs, avec Nebek, c’était la première fois qu’il jouait vraiment son rôle de chef du SGC en organisant des briefings, en maintenant les relations diplomatiques avec les autres peuples et en gérant le fonctionnement de la base, du plus petit problème interne jusqu’au plus haut casse tête de l’administration, en passant par le choix quotidien du menu de la cantine… Parfois, il lui arrivait de se demander qu’est-ce qu’il foutait là. Il avait l’impression de n’arriver qu’à la cheville de ce bon vieux George ou même de ce courageux Edward concernant le commandement de cette base. Il ne se sentait pas à l’aise à ce poste bien qu’il avait reçu pas mal de soutien, en particulier celui de ses hommes. Il devait faire avec et se résoudre à subir le poids et les conséquences de ses propres décisions. Souvent, il avait envi de péter les plombs et de traverser la porte des étoiles, un P90 dans les bras, et prêt à faire un massacre de serpents et à récupérer sa jambe perdue sur Nebek, s’il le pouvait. En tout cas, ce n’était ni la volonté ni le courage qui lui manquait pour ça. Il commençait juste par être trahi par son âge et peut être par sa conscience, tout comme le Lieutenant-colonel Narah qui avait remis sa démission… Les temps changeaient… Et O’Neill avait de plus en plus l’impression d’être piégé entre les murs d’une prison, condamné à devenir une relique et un symbole de la lutte contre les Goa’ulds. Cette image lui plaisait. Après tout, que pouvait-il faire d’autre ?
Jack aimait bien trainer dans les couloirs et réfléchir sur tout et n’importe quoi, en particulier quand des équipes SG étaient en ce moment même en pleine mission. L’attente était longue et faisait naitre un sentiment de crainte. Et comme dirait le vaillant Roosevelt, il ne faut avoir peur de rien si ce n’est la peur elle-même. Un sourire naquit sur le visage du Général qui continuait de vagabonder dans sa base, saluant les soldats et scientifiques qu’il rencontrait en chemin. Il avait vu le Docteur Storm tout à l’heure, ou peut être était-ce Strom, ou Storn… Bref, la blouse blanche lui avait montré son excitation à vouloir étudier des plantes extraterrestres pour pouvoir, avec un peu de chance, guérir des maladies graves connues sur Terre. Jack lui avait donné son feu vert pour commencer la cueillette, après tout, pourquoi il s’y opposerait ? Hormis le fait qu’il n’aimait pas beaucoup les civils, ce qui était déjà une très bonne raison pour refuser, il ne comprendrait rien à l’étude qui serait faite et donc, l’équipe scientifique n’aurait même pas besoin de lui sauf pour signer dans le bas d’un papier officiel. Il n’avait plus qu’à espérer maintenant qu’il n’y ait pas d’imprévus, ce qui était assez rare… Les imprévus étaient synonymes de dangers et de catastrophes et O’Neill avait souvent peur de devoir se retrouver avec une base mise en quarantaine sous les bras.
Tournant dans un autre couloir, ne sachant strictement pas vers où il allait, il put sentir une fumée chatouiller ses narines, les seules instruments de son visage dont il était encore fier car elles fonctionnaient encore très bien, comparé à sa vue et à son ouïe. Ca devait être les inconvénients et les avantages (bien qu’il y en ait peu !) de la vieillesse…

« Je ne suis pas très doué quand il s’agit de me rappeler du règlement intérieur… » Commença-t-il à dire en sachant que ça n’était pas très malin de dire ça pour un Général.

« Mais je crois me souvenir qu’il est interdit de fumer dans l’enceinte de la base, Docteur Winshester. »

Aidé de sa fidèle béquille, devenue depuis comme une sorte de meilleure amie, Jack se planta devant Suzanne et la fixa d’un air sérieux, un peu trop même… Le fait était que cette femme était un phénomène qui n’arrivait pas à trouver sa place dans cette base, ce que le Général ne tarda pas de lui faire remarquer.

« Et je pense que vous aviez mieux à faire… Déjà, il aurait été souhaitable que vous me préveniez de votre retour, vous ne croyez pas ? »

Il avait gardé un ton professionnel, ne l’avait pas tutoyé, il ne voulait pas agir amicalement ici. Pas dans le couloir où n’importe qui pouvait passer à côté et entendre ce qu’il voulait. Jack avait beaucoup des problèmes à régler et il n’avait pas envi de Suzanne comme fardeau dans sa base, même si ces dernières semaines avaient du radicalement changé la vie de la jeune femme comme elles avaient changé sa propre vie…

En la voyant ainsi, Jack aurait pu s’attendre à recevoir un « Fais pas chier », en gros, comme réponse de la part de Suzanne, mais ce fut une surprise de l’entendre formuler une phrase, une seule, qui donna raison aux dires du Général avec une petite touche de politesse qui plus est. Ca manquait tout de même de gaieté dans le ton de sa voix, ou même de sourire sur son visage, mais ce n’était pas O’Neill qui allait chipoter pour ça. Il capta aussi qu’elle avait failli l’appeler par son prénom, un dépassement des limites qui n’aurait pas été le bienvenue. Le Général était connu et respecté à la fois pour avoir de bonnes relations avec ses hommes, souvent grâce à une réputation imméritée, et d’être assez proche d’eux, que ça soit en mission mais surtout à la base. Ce n’était pas les exemples qui manquaient : entre la buvette dans les quartiers de Davis, le flirt avec les recrues et les infirmières, et les séances de sport avec les officiers… Si on prend aussi en compte le côté protecteur qu’il a pour ses hommes en mission, voilà qui faisait de lui un commandant très proche de ses hommes. Il manquait plus qu’il dorme avec ! Et Suzanne Winshester ne dérogeait pas à tendance. Grâce à Janet, ils s’étaient rapprochés et étaient devenus de bons amis. Chose assez rare dans ce cas là car Suzanne était une scientifique mais il avait vite appris à la respecter lors d’un combat de boxe plutôt surprenant. Depuis, il ne sous-estimait plus tant que ça la capacité des civils à se battre.

« Dans ce cas, il n’y a aucun problème. » Répondit-il avec calme.

Manifestement, elle n’était pas très en forme ni très motivée pour bosser, mais elle était là maintenant. Elle n’allait pas repartir. Quelque chose avait du pourrir la vie de Suzanne depuis la dernière fois qu’il l’avait vu… Depuis la fois où il lui avait annoncé le décès de Janet… Tenant toujours à garder sa réputation de Général à l’écoute de ses hommes, même si parfois il voulait partir et s’occuper de ses propres problèmes avant d’aller voir chez le voisin, il profita que le couloir soit désert pour se rapprocher de la scientifique et de s’adosser contre le mur à côté d’elle.

« Que se passe-t-il ? » Demanda-t-il en murmurant pas trop fort, même s’il n’y avait personne d’autres à part eux. Une scène un peu identique lui revint à l’esprit : le moment, rapide et bref mais important, qu’il avait passé en compagnie de la recrue Wells, encore une fois dans les couloirs.

« Dur de remonter la pente ? »

Au fond, O’Neill savait un peu près ce qui tracassait Winshester bien qu’il n’avait pas conscience exactement de ce qui pouvait la rendre aussi froide et… différente. Il l’avait connu plus joyeuse et plus tonique que ça. Il ne savait pas si elle en avait déjà parlé à quelqu’un et, si ça n’était pas le cas, il était bien temps de le faire ! Il n'était pas bon de rester dans la solitude, surtout pour une jeune femme forte qui avait encore tant à prouver.

Tout ce que la jeune femme pu comprendre est que Jack se tourna vers elle doucement accoudé au mur, elle n’entendit que sa dernière phrase… Suzanne baissa la tête, resta silencieuse durant quelques minutes, lourd silence…

« Dur de remonter la pente ? »

Dans un sens, elle était heureuse que cela soit le Général qui lui soit tombé dessus… Elle lui faisait confiance… Son regard se reporta à nouveau sur O’neill et elle prit enfin la parole…

- Vous ne pouvez savoir à quel point…

Encore un blanc… Pesant, tendu… Tout comme elle… Ses poings ne se desserraient pas… Les larmes ne coulaient pas pourtant l’on pouvait sentir une peine bien présente en la scientifique…

- Je… J’ai pas pour habitude de demander de l’aide ou autre, je… Je suis sous anti-dépresseur, cette merde me maintien en vie depuis plusieurs mois…

Son regard sans étincelle s’éteignit alors davantage laissant peu à peu le peu de lumière que Jack pu voir s’éteindre. La honte envahi alors Suzanne… Elle ne supportait pas de devoir se battre avec des médocs sa fierté de femme forte en prenait un sacré coup ! Certes la mort de sa meilleure amie l’avait anéantie mais il n’y avait pas que ça, alors elle reprit d’un ton mélancolique… Vérifiant que le couloir fut toujours vide…

- J’ai cherché, chercher et je ne l’ai pas trouvé, je n’ai pas réussi à tenir ma promesse Jack… Je sais que j’aurais du t’attendre, mais c’était plus fort que moi, tu me connais…

Tout doucement les larmes coulèrent le long de son visage… Elle détourna son visage de celui de O’neill pour ne pas qu’il la voit dans cet état, mais c’était déjà trop tard… Même si ils étaient amis, elle ne supportait pas que l’on voit ses faiblesses.

- Je ne pensais pas qu’un jour j’arrêterais de combattre, que je baisserais les bras…

Suzanne s’accouda contre le mur et se laissa glisser doucement pour s’assoir et prit sa tête entre ses mains… Jamais elle n’avait connue pareil situation… Elle était perdue dans les méandres de la vie et ne savait pas comment s’en sortir… Un appel au secours ou simplement un adieu ? La jeune femme ne le savait même pas…

- Je… J’ai pas pour habitude de demander de l’aide ou autre, je… Je suis sous anti-dépresseur, cette merde me maintien en vie depuis plusieurs mois…

« Ca c’est ce que vous dites… » Ajouta calmement le Général qui aurait aimé, vu la situation délicate et assez déplaisante, de prendre un cigare et de se le mettre dans la bouche pour ne plus rien dire et écouter la scientifique. Juste écouter ce qu’elle avait à dire, rien de plus…

Il ne connaissait pas les miracles et n’avait aucune confiance envers les médicaments que Suzanne pouvait prendre. Lui-même quand il allait mal, se refuser d’avaler n’importe quoi car il savait très bien que le problème venait de lui et que rien ne changerait ce qu’il avait dans sa tête. Alors il vivait avec ça et tant pis s’il venait à péter les plombs. Il avait pris une fois des antidépresseurs et il avait décidé d’arrêter juste après, remarquant à quel point il pouvait être aveugle.

- J’ai cherché, chercher et je ne l’ai pas trouvé, je n’ai pas réussi à tenir ma promesse Jack… Je sais que j’aurais du t’attendre, mais c’était plus fort que moi, tu me connais…

Une fois de plus, c’est le légendaire silence du Général O’Neill, reposant et inquiétant à la fois, qui répondit à la détresse de l’archéologue. Il savait de qui elle parlait étant donné qu’ils en avaient discuté lors de leur dernière rencontre. Jack lui n’avait rien fait pour l’aider, trop occupé à vrai dire et régler ses propres problèmes. Il tourna la tête, voulant la soutenir d’un regard compatissant, et il y vit la détresse de la jeune femme. Cette dernière s’était posée par terre, versant quelques larmes qui étaient nécessaires d’évacuer. Le Général ne se permit pas de l’en empêcher et tant pis si quelqu’un venait à passer par là.
Il attendit alors quelques minutes, posant sa main sur l’épaule de Suzanne pour lui montrer qu’il était toujours là. Il eut soudain une idée de génie pour lui remonter le moral…

« Vient, suit moi. » Dit-il en l’emmenant quelque part après l’avoir aidé à se relever, sans faire attention aux gens qui passaient…

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