Journal de Michael le loup-garou. Version non censurée. Les extraits censurés dans les passages déjà parus apparaissent en jaune.
Michael s’approcha de sa victime, tout doucement. C’était à son tour de mettre à mort ce soir. L’individu qu’il approchait devenait de plus en plus dangereux pour les zoomorphes et le conseil des loups-garous avait décidé de le faire disparaître. La condition de seigneur de Jack lui donnait le droit de proposer un grand nettoyage… Il devenait de plus en plus gênant.
Michael s’approcha un peu plus de l’homme qui lui tournait le dos.
On entendait sa plume glisser sur le parchemin qu’il noircissait devant lui.
Au dernier moment, Jack se retourna et posa ses yeux sur l’animal qui salivait d’avance, pensant à son futur repas.
Les traits de Jack se figèrent de terreur, il savait que son tour allait venir, mais il ne s’attendait pas à ce que cela vienne de cette personne ! Il avait reconnu son agresseur.
"Va te faire foutre sale bestiole."
La mâchoire de Michael se referma sur le coup de Jack, dans un jaillissement de sang et de chair, puis se fut la fin du chef tant respecté par son peuple.
Pendant que ses amis lycanthropes s’occupaient de nettoyer la carcasse du seigneur, les yeux de Michael se posèrent sur le parchemin à l’encre encore humide qu’il comptait détruire de ses propres mains. Ses yeux s’agrandirent de stupeur. Son nom apparaissait sur le bas du testament. S’il fallait en croire ces lignes, Michael devenait le seigneur de ces terres !
Il rejeta sa tête en arrière et un long cri s’en suivit :
- Aouuuuuuuuuuuuu !
Sa joie se perdit dans le silence de la nuit noir, rompue seulement par le bruit caractéristique d’os rongés.
Le lendemain, Michael se réveilla une fois de plus avec la peur au ventre… Qu’avait-il donc fait cette nuit ? Chaque matin, depuis qu’il avait été mordu par un loup-garou, c’était la même chose, il ne se souvenait que de quelques minutes de la nuit précédente, qui lui revenaient sous forme de flashs. Au vue de l’agitation qui régnait à l’extérieur, il n’y avait aucun doute, les loups-garous avaient encore frappés. On entendait très nettement les rumeurs au dehors :
- Ils l’ont eu, le seigneur est mort ! Le seigneur est mort !
Sans aucun doute un villageois ferait les frais de cette audace. Puis tout d’un coup toute la soirée lui revint en mémoire. C’était lui le meurtrier. Quand viendraient-ils pour lui ? Michael avait déjà perdu toute sa famille au bucher. Ses parents, ses amis. Il s’était alors exilé dans ce petit village ou personne ne semblait le soupçonner. Mais cela durerait-il ?
Après une toilette sommaire il rejoignit la foule qui s’était amassée autour d’une place où déjà des jeunes enfants amenaient du bois sec dans la perspective d’un bucher. Il y aurait un feu de joie le soir même, c’était certain… Mais qui y prendrait place ?
Michael s’avança au devant des personnes présentes pour écouter ce qui se disait. Son semblable, Boba, était la cible des villageois. Matt Eversman, semblait le plus virulent dans sa diatribe envers Boba. En effet, le prêtre avait des preuves accablantes contre lui.
Michael pouvait-il faire quelque chose pour sauver son vieux camarade nocturne ? Il fallait installer le doute dans l’esprit des villageois… sur quelque chose de crédible… Pourquoi ne pas essayer de retourner la foule contre Matt ?
Après tout, Souvent les personnes les plus démonstratives, cachent quelque chose. Quelle était donc la cause de son courroux ? Etait-il très fâché à l’égard des loups, ou au contraire en faisait-il des tonnes pour rester à l’écart des soupçons ? Michael avait bien une idée sur la question… Pas un seul loup-garou de la région ne lui était inconnu… De toute façon, il fallait sauver Boba !
Alors, sur un coup de tête, il décida de prendre part aux délibérations :
- Matt Eversman aboie sa haine tel un chien enragé. Quelle autre âme serait la plus à même d’abriter un loup-garou ?
Cela sembla marcher un moment, les villageois se ralliant à la logique de l’argument. Mais hélas le prêtre avait plus d’ouailles que Michael le pensait.
Boba, hurlant, mordant et griffant, fut installé sur le bucher par les partisans de Matt.
Le loup-garou ne dénonça jamais ses frères de sang malgré les promesses de rédemptions émanent de la bouche du prêtre et de ses sbires. Avant de mourir il jeta un regard suppliant à Michael, puis son âme suivit la fumée du bucher vers d’autres cieux.
Le prêtre s’approcha alors de Michael, tout doucement. Le loup-garou s’apprêta à combattre. Il ne partirait pas seul ! Mais il n’avait pas été démasqué. Bien au contraire, le prêtre était venu lui dire qu’on avait retrouvé le testament du seigneur et qu’il avait été choisi pour reprendre le flambeau. Michael jeta un regard plein de haine à Matt. Le soir même, ils auraient tous deux une petite discussion…
La discussion ne dura guère longtemps. Le prêtre se signa et Michael ouvrit le torse du prêtre en respectant scrupuleusement les deux lignes imaginaires que ce dernier venait de tracer. Michael fut très bientôt on ne peut plus repu. Il n’avait pas eu à partager avec un autre cette fois-ci. Eiden n’étant pas venue.
Ils s’étaient pourtant mis d’accord dans la journée pour tuer le prêtre. Avait-elle changé d’avis ? Décidément, on ne pouvait pas faire confiance aux loups-garous. Même quand on faisait parti de la même meute…
Extraits des dernières heures d’un Lycan :
« Eiden vient d’être retrouvée morte, empoisonnée. La sorcière a encore frappée. Si je pouvais entraîner quelqu’un dans mon sillage, ce serait bien elle.
Je ne comprendrais sans doute jamais quelle est la cause de notre rivalité, alors que nos deux races sont pourchassées depuis toujours. Nous aurions pu nous allier… »
« Hélas, les villageois semblent avoir faits le rapprochement entre moi, Eiden et Boba à cause de notre volonté à faire tomber le prêtre en disgrâce dans l’après midi précédent. Mais quelle autre choix avions nous ? Voter nous aussi contre Boba et prendre le risque d’être dénoncés par lui sur le bucher ? Cela c’était joué à une voix. Si Matt avait été brûlé, personne ne nous aurait encore démasqués. Nous avions manqué de chance. Au moins Boba était sauvé. »
« Au moment où j’écris ces quelques lignes, je sens que mon heure est proche. J’entends les villageois se rassembler à la porte de ma demeure leurs outils en mains. Je ne pense pas que les remparts du château les ralentissent trop longtemps, hélas. La sorcière a gagné la partie. J’espère qu’elle me rejoindra en enfer le plus tôt possible.
J’étais un loup-garou, mais avant ça j’étais un homme, avec ses peurs, ses joies, ses doutes, ses regrets. Il ne me reste plus que la peur désormais, mes autres sentiments se sont envolés, partis en fumés en même temps que mes frères de sang.
J’entends des pas dans l’escalier, il n’y en a plus pour très longtemps. Je suis le dernier de ma race, je ne souhaite pas finir comme cela. Il doit y avoir une alternative...»
« C’est étrange il me semble que les pas s’éloignent désormais. Auraient-ils abandonnés la partie ? Et quel est cet étrange bourdonnement qui vrille mes tympans ?»
Les villageois défoncèrent la porte avec leurs outils, puis ils restèrent figés sur le pallié, contemplant un étrange spectacle. Michael, assis à son bureau, avait la tête appuyée sur un parchemin, son bras droit pendant vers le sol, au dessus d’une fiole brisée qui répandait un liquide violacé aux relents de mort…