L'été venait de toucher à sa fin. La forêt montrait son déclin et avait revêtu son plus bel habit avant de se reposer, nue, pendant plusieurs mois. Erwan avait toujours aimé se promener, surtout en cette saison. Sa passion : la photographie, surtout des paysages. Il était un de ces irrémédiables adeptes de l'appareil photo « argentique », le numérique lui paressant trop artificiel.
En ce jour de septembre, il avait décidé de sortir pour faire une série de photos dans le bois qui se trouvait à quelques kilomètres de chez lui. Garé à l'orée du bois, il se sentit immergé dans le merveilleux spectacle de la nature dés qu'il posa le pied au sol. L'univers ambré dans lequel il s'apprêtait à entrer était enivrant : il sentait qu'il allait faire des photos extraordinaires.
Il parcouru la forêt, en faisant au passage de multiples prises, des gros plans ou des vus plus éloignées. Peu de personnes étaient là. Seuls quelques couples se baladaient, main dans la main, rêvant sûrement à des projets de mariage ou de voyage.
Au bout de quelques heures, il décida de rentrer chez lui pour développer ses photos. Il avait déjà fait 2 pellicules de 36 poses... c'était un bon début pour la saison. De plus la nuit commençait à tomber et le froid l'accompagnait.
Sur le chemin du retour la faim commença à le tenailler, il s'arrêta à une brasserie et y mangea un croque-monsieur accompagné d'une bière. Après avoir réglé l'addition il rentra donc chez lui et s'enferma dans sa chambre noire afin de développer les photos qu'il avait prises l'après midi.
Comme chaque fois il prit soin de chaque geste : coupures nettes, calcul de temps précis du bain dans le fixateur puis le révélateur etc...
Au bout de deux heures et demi de travaille il mit enfin à sécher ses photos et sortit prendre l'air.
L'air était frais, après un travail de précision ça lui faisait du bien. Au bout d'une dizaine de minute il rentra, prit sa douche et partit se coucher.
Le lendemain matin, après être passé par la cuisine et la salle de bain, il retourna dans la pièce sombre où il faisait sécher ses photos. Il les décrocha puis les emmena dans son salon afin de les admirer. Les couleurs étaient vraiment somptueuses, les jeux de lumière, les touches tantôt rougeâtres tantôt dorées rendaient un fabuleux résultat. Soudain, alors qu'il allait ranger ses photos, un détail le frappa sur la dernière : Une jeune femme était adossée à un arbre, regardant l'objectif avec un superbe sourire. Un instant il crut rêver : comment avait il pu ne pas la voir en prenant la photo ? Comment avait il pu être si absorbé par la nature jusqu'à manquer une si belle jeune femme ? Il regarda encore la photo de plus près. Ce visage lui disait quelque chose... il ne savait dire où il l'avait vu, à la télévision, dans un magazine, dans son passé peut être.
Il mit la photo dans une enveloppe en regardant une dernière fois le coté droit de la photo où se trouvait la jeune femme. Puis il décida de retourner dans le bois :avec un peu de chance elle y serait elle aussi.
Il se fit un sandwich vite fait, prit la photo, son appareil et quelques pellicules avec lui.
Il monta vite dans sa voiture et se dirigea vers la forêt, il était déjà 14h30, et la photo sur laquelle était la femme était l'un des première qu'il avait prise, si jamais elle revenait dans ce bois aujourd'hui ça serait à peu près à la même heure.. c'est une question d'habitude. Malheureusement il pleuvait, cela amenuisait ses chances de la revoir... Tant pis, il fallait tout de même tenter sa chance.
La pluie s'était accentuée, maintenant les essuies glace de la voiture étaient à vitesse maximale. Alors qu'Erwan arrivait dans le dernier virage près du bois il perdit le contrôle de sa voiture, la chaussée humide était devenue extrêmement glissante. La voiture fit un tonneau et se retrouva dans un fossé, arrêtée dans sa course par un arbre. Erwan était à peine conscient, ça tête lui faisait mal, une douleur atroce lui traversait la poitrine. Il essaya de redresser sa tête mais sans succès, sa vue était trouble. Il entendit du bruit autour de lui, la porte s'ouvrit et quelqu'un le tira du véhicule et l'allongea parterre. Puis il vit son visage. Il avait remplacé celui de son sauveteur. Ce visage si doux, qui sanglotait en prononçant son prénom. Tout était devenu clair à présent. La fille, c'était Julie, son amie d'enfance. Pendant leurs six premières années ils étaient unis comme les deux doigts de la main. Ils ne se quittaient pas... Jusqu'au jour ou Julie dût suivre ses parents qui déménageaient. C'était il y a vingt-et-un ans, si longtemps... Il essaya de parler. Le moindre mot, la moindre respiration le torturait mais il essayait : « Julie... ». Dit il dans un souffle. Puis il s'éteignit, un doux sourire aux lèvres..les yeux rivés sur cette femme à qui il avait promis le mariage deux décennies plus tôt.