SEAN


Elle se hissa sur le ponton de bois, et Sean eut une vue imprenable sur la croupe gironde et le dos musclé de la jeune femme . Elle s’assit sur le rebord, d’un coup de rein, et commença à essorer ses longs cheveux roux . Des gouttes tombaient en flot discontinu sur son abdomen légérement renflé, et couraient le long de sa cuisse, contournaient la rotule pour finir sur une cheville bien tournée . Sean observa cette descente rafraichissante d’un œil gourmand . Il n’y avait pas à dire, c’était un superbe animal ! Sean avait peu de gout pour ces petites choses fluettes, et sophistiquées qu’on voit en première page des magazines de mode . Aileen n’était pas un cheval de course, plutôt une bonne pouliche Connemara, qui respirait les grands espaces et la rusticité . Et ce n’était pas pour lui déplaire ! Sean nageotait en profitant du spectacle, dans l’eau verte du lac . Il valait mieux attendre avant de sortir que l’émoi qu’avait provoqué en lui, cette ondine sensuelle, se fut un peu calmé . Il eut envie de se payer un aller retour jusqu’à l’autre bout du lac, puis se ravisa, s’amusant secrétement de cette soudaine envie d’épater la jeune femme avec ses talents de nageur . A son age ! Il avait plus de 45 ans, et devait normalement être immunisé contre les poussées de testostérone . La chaleur inhabituelle dans ce bout d’Irlande échauffait les esprits . Déjà deux attentats dans la capitale ! Trois morts… anglais… Sean avait de quoi se réjouir, et toute l’IRA avec lui .
Il chassa ces pensées, après tout c’était son jour de repos, aujourd’hui, et il ne comptait pas penser au boulot . Aileen Brady, plantureuse étudiante en musique celtique, lui donnait des idées très précises sur la façon de passer un jour de congé . Avec un peu d’audace et de chance, la nuit risquait, elle, de n’être pas de tout repos . Cette perspective l’obligea à faire encore quelques brasses .
Aileen secoua une dernière fois sa chevelure, et trempa ses pieds jusqu’aux mollets dans l’eau trouble du lac . Elle le regardait nager avec puissance, un sourire enjoleur aux lévres . Lévres qu’elle avaient pleines et bien roses, comme un fruit mûr .

« Comptes tu passer ton après midi à faire fuir les poissons ? » demanda-t-elle de sa voix de contralto .

Sean lui lança un long regard pénétrant qu’elle soutint avec effronterie . Il sortit de l’eau, d’un mouvement souple, et vint s’asseoir, ruisselant à ses côtés . Finalement la distraction n’attendrait pas la nuit…

« Tu as mieux à me proposer ? » demanda-t-il, en rapprochant son visage du sien, avec un sourire prédateur .


AILEEN


Ce vieux beau était presque ferré . Il croyait vraiment être suffisamment irresistible pour qu’elle succombe . Quel nigaud ! Et quel vieux dégueulasse ! Maintenant, il allait l’embrasser, certainement, et Aileen se préparait mentalement à se laisser faire . Voilà… Il appliqua ses lévres humides sur les siennes, et Aileen fit un effort de volonté pour ne pas s’écarter . Maintenant, elle sentait sa langue se faufiler dans sa bouche et elle pensa à autre chose pour retenir sa nausée . Quand il s’écarta d’elle, elle laissa échapper un soupir de soulagement que cet imbécile prit pour du contentement . Il la regardait, fier de lui, et Aileen faillit lui cracher à la figure . Elle se rappela à temps le pourquoi de sa présence ici, et elle sourit d’anticipation . Sean lui attrapa la main et lui dit :

« On sera mieux à l’interieur du cottage . Ici, il fait trop chaud . »

Et c’est vrai que ce mois d’août était exceptionnel . Il faisait plus de 30°, et malgré son bain dans le lac, Aileen sentait la sueur lui couler dans le dos . A moins que ce ne soit l’angoisse de l’échec . Allons, plus question de se défiler maintenant…
Il marchait devant elle, à moitié nu, offrant sa musculature au soleil . Aileen resserra son sac prés d’elle . La poche de devant était accessible, parfait . Ils arrivérent rapidement au cottage, et Sean la prit dans ses bras, pour lui donner encore un baiser baveux qui acheva de dégouter Aileen .
Sans qu’il s’en rende compte, elle sortit une longue et fine aiguille de la poche de son sac, et la planta avec précision dans la nuque de Sean, coupant la moëlle épinière . Il s’effondra, paralysé mais toujours conscient .
Aileen se pencha sur lui .

« Tu vas crever, vieux salaud ! Lentement, de faim et de soif… Personne ne passe ici, je m’en suis assurée . Ta mort sera aussi douce que celle des victimes de tes bombes, pourri ! L’IRA n’aura qu’à se trouver un autre terroriste, foi d’Eileen Bradley ! » Son accent était sans conteste britannique, et Sean sut qu’elle était une banshee venue pour lui…

Elle lui cracha au visage, fière d’elle, et le laissa là, disparaissant dans les brumes de chaleur qui montaient lentement du sol .