Rapidement, le pas assuré, gravissant avec force le sol rocailleux et brûlant, elle s'avancait seule, sur la falaise. Ça et la, quelques Myosotis ouvraient leurs pétales bleutés a la nature joyeuse, et leurs coeurs d'un jaune flamboyant semblaient attirer l'attention d'insectes pollinisateurs qui s'invitaient en leur sein.

Son pied glissa, et quelques cailloux aux couleurs ocres dévalèrent la pente. Sans un regard derrière elle, les yeux brillants d'une excitation palpable, elle sautait rapidement d'un rocher a l'autre, semblant ignorer les dangers de cette falaise abrupte, ou tout faux pas pouvait être fatal. Mais cette apparente imprudence restait impunie, tant ses pieds semblaient faits de velours, tant son pas semblait doux, tant sa marche légère.

Elle était magnifique. Sa robe de couleur sombre semblait mettre en valeur ses yeux noirs, et son regard perçant se posait sur le paysage ensoleillé, comme a la recherche d'une paix intérieure, comme pour se rassurer. Son pas connaisseur la guidant, elle s'approchait du sommet. Ses gestes, si légers et si beaux, emportaient son regard vers le haut, au delà de tout.

Et enfin, elle posa le pied au sommet. Sous ses pieds, l'herbe, fraîche et douce. Elle se retourna, observant avec un sempiternel étonnement ce paysage qu'elle connaissait pourtant par coeur.

A l'horizon, le soleil flamboyant d'un rouge pale teintait le ciel de couleurs chaudes et vives. De longs filets de nuages orangés s'étendaient paresseusement le long de la plus belle séparation du monde, celle du ciel et de la terre. Très loin, une cloche dispersait dans le vent une mélodie joyeuse. Perché sur la montagne, une forêt de sapins pour écrin de fortune, on pouvait apercevoir d'ici le petit village, hameau isolé de quelques maisons aux pierres rouges.

Plus près, de hautes collines ou paisaient quelques moutons, amenés en altitude pour la belle saison. De loin en loin, la mélodie joyeuse de quelques oiseaux perchés dans les hautes branches montait a ses oreilles comme une douce musique, berceuse harmonieuse pour cet extraordinaire spectacle. Elle perçut également le frémissement des vagues, et elle tourna la tête.
L'océan était la, s'étendant sur sa gauche vers le sombre horizon, ou grondaient de lourds nuages d'orage.

Elle savante de ce coté, posant ses pieds sur le bord de la falaise, profitant pleinement de l'air vivifiant du large, ramené a la cote par le vent capricieux.
Elle tourna brusquement la tête. Dans la forêt, un craquement. Une marmotte se frayait un chemin vers les rochers non loin.
Se retournant rassurée vers l'océan, elle reprit sa contemplation muette. Elle semblait ne faire plus qu'un avec la nature.

Une goutte s'écrasa sur le sol. Puis une autre. Il fallait rentrer. Elle n'entendit rien, seulement ce même craquement. Les oiseaux s'étaient tus. Un coup de fusil déchira l'atmosphère, coupant brusquement court a ce recueillement contemplatif.

Ils étaient la. Les humains.

La biche tomba. Lentement, ses pattes avant glissèrent, s'agitant désespérément dans l'air, témoins de l'atroce douleur qui déchirait son flanc. Puis sa tête plongea, et son corps tout entier glissa, dans un dernier sursaut, vers le vide. Son pelage brun se teintait progressivement d'un rouge ocre, se yeux perdaient petit a petit l'étincelle de vie qui scintillait en eux.
Et pourtant, son regard semblait rire, comme s'il voulait leur dire...

Il est fini l'été. C'est l'automne, a présent.


- Tom! Tu l'a eut?
- Putain! Elle s'est cassée la gueule...
- Pas la peine d'espérer, ya au moins 300 mètres de vide... En plus Il pleut, faut qu'on rentre...

Et ils s'élancèrent rapidement dans la forêt verdoyante, sous la pluie qui tombait a flots. Leurs chaussures solides butaient sur les rochers, leurs jambes tranchaient les lianes, écrasaient les branchages.
Et le tonnerre grondait. Les éclairs dispersaient quelques instants l'obscurité naissante, puis tout replongeait dans la pénombre. Ils couraient.
Un coup de tonnerre assourdissant déchira alors l'atmosphère, tel un rugissement vengeur.

- Jane! T'est ou?

Le dénommé Tom s'était arrêté. Il était seul, désormais perdu dans cette nature en colère, attendant quelque chose, un signe d'humanité, un cri, un geste...
Un nouvel éclair. Il vit quelqu'un, quelque chose, la bas, au delà des arbres. Sûrement la route!
Il reprit sa course. Une course panique, la course de celui qui fuit quelque chose qu'il croyais connaître, et qui découvre tout a coup que son apparente innocence n'est qu'une façade.
Son pied glissa. Tout son Corp glissa vers le vide. La falaise. L'océan. Et la lune, spectateur immobile quelquefois tourmentée par de noirs nuages glissant vers l'ouest.

Il est fini l'été. C'est l'automne, a présent.

La Nature et l'homme sont d'étranges compagnons... Ils franchissent ensemble les années, Ils chevauchent ensemble les siècles, Ils survolent ensemble le temps... Chaque jour, la Nature envoie ses messages a travers les pays, ses messages préventifs de catastrophes futures, et pourtant l'homme l'ignore.
Il se défent d'une bataille qu'il a lui même déclenché, Il se bat dans une guerre qu'il a perdu d'avance.

Il est fini l'été. C'est l'automne, a présent.